Témoignage
Vous trouverez ci-dessous le témoignage d’une maman qui utilise la #CAA au quotidien avec son fils.

Quel est votre lien avec la
Communication Alternative et Améliorée (CAA) ?
Mon fils a une mutation génétique très rare et il ne parle pas encore, bien qu’il ait déjà dit une centaine de mots parfaitement articulés et tout à fait à propos, en 36 ans.
Depuis combien de temps utilisez-vous ou travaillez-vous avec la CAA ?
Nous employons la CAA depuis bien longtemps. Mon fils a appris le langage Sésame (langage des signes adaptés en Belgique) vers ses 10 ans : il pouvait pratiquer avec moi, à l’école et chez les scouts. Par chance, les chefs scouts étaient formateurs du Sésame, et donc, aux réunions bimensuelles, ce langage alternatif était pratiqué en continu et en situation. Cela a grandement aidé pour les mots courants du quotidien. J’ai suivi les cours moi aussi, et ensuite le langage des signes qui m’a donné plus d’aisance et de confiance pour communiquer par signes avec mon fils.
À l’école ils pratiquaient le Sésame et faisaient aussi une communication par pictogrammes et tableaux : c’est l’école qui avait lancé une formation pour son personnel et pour les parents, ce qui était super de nous mettre ensemble.
Malheureusement Mathieu a été déterminé « non scolarisable en raison des défis comportementaux qui monopolisaient trop de personnes formées, et sa scolarité n’a duré qu’une année… ce n’est qu’à ses 27 ans que le Sésame fut de nouveau pratiqué avec lui, dans son institut.
Je le mentionne parce que trouver des partenaires de communication au quotidien n’est pas facile, même parmi les professionnels, ce qui est dommage …
Vers ses 10 ou 14 ans Mathieu a eu la chance de bénéficier de la méthode très structurée du PECS, avec la première logopède certifiée de Belgique, et qui était une passionnée. J’assistais à toutes les séances pour assurer la continuité à la maison car une heure par semaine c’est bien trop peu. Cette logopède a suivi Mathieu pendant plus de dix ans, et c’est la seule personne qui, à cette époque, a gardé une confiance inébranlable et positive en lui, qui posait des défis si importants pour les institutions.
Quelques années plus tard, nous avons travaillé avec le programme informatisé « Silence » (pictos, images, photos et voix de synthèse) : il n’a pas fallu me convaincre, moi la maman, du bienfait de donner une voix à Mathieu!!!!
En revanche, l’ensemble des professionnels ne voyait pas cela comme ça. C’était il y a au moins 15 ans. Heureusement, nous avons été soutenus dans cette démarche par l’informaticien génial qui l’avait créé avec Stephan Lamy (Isaac Belgique et directeur de l’institut « La Famille » à Bruxelles). A cette époque, il fallait construire soi-même entièrement le contenu, mettre le mot et l’image, choisir un classement et l’organisation, créer les liens…
Cela s’installait sur un portable. Mon autre fils, à l’époque l’appelait « une cabine téléphonique ». Par la suite, sont apparus les programmes magnifiques « tout faits/prêts à l’emploi » et nous avons actuellement TDSnap sur l’IPAD et Proloquo2go sur le téléphone. Nous avons aussi le PODD sur papier.
Mon fils a récemment démoli deux tablettes, et donc nous faisons une pause avec les outils informatisés, mais nous continuons de parcourir actuellement en plus des autres moyens « low tech » des dictionnaires imagés : ce genre de travail de langage est très motivant pour mon fils malgré les chemins ardus.
Mathieu est partie prenante de tout ce qui touche le langage car il en sent bien tous les avantages.
En quoi la CAA a-t-elle transformé
votre quotidien ?
Quand on se retrouve avec un enfant qui ne parle pas et dont l’accès naturel aux mêmes codes de communication que nous est entravé, la vie est très compliquée.
La communication verbale et non verbale habituelle a une place tellement importante dans le quotidien et elle est un facilitateur tellement important, tant pour la vie que pour le développement (cognitif, émotionnel,..) naturel de tout un chacun, qu’on en vient à oublier sa place omniprésente…
J’ai pris conscience et j’ai dû (ré-)apprendre cet autre monde (dont il me restait peut-être quelques bribes, bien enfouies, du temps où j’étais moi-même bébé) ou alors me reconnecter à ce monde hyper sensible toujours présent mais peut être relégué au profit du langage… et aussi être attentive à d’autres formes peu adaptées…
La CAA est l’intermédiaire idéal et très varié qui permet de nous relier et d’y palier.
Sans CAA, il n’y a pas de moyen de se comprendre au-delà des quelques informations primaires comme des sons, cris, pleurs, mal-être ou rire pour la joie, etc…Sans compter l’énorme frein au développement émotionnel et cognitif.
Quel bonheur quand mon fils de 10 ans m’a demandé à boire, pour la première fois, spontanément, avec un geste conventionnel (Sésame) : je ne devais plus deviner ce qu’il voulait, sa « parole » était très claire sur ce qu’il voulait dire , et j’avais l’impression que nous étions tout d’un coup sur une même « planète conventionnelle » tous les deux …
Plus tard, occupé à naviguer sur son programme « Silence » pour en découvrir le contenu, mon fils, s’est arrêter de le parcourir et il a commencé à insister sur le mot « piscine » encore une fois son message était bien clair ! Plus tard il pointe « voiture » pour dire qu’il veut quitter la place où nous sommes et où il commence à s’ennuyer.
Grâce à la synthèse vocale, plus besoin d’avoir les yeux rivés sur lui, à rechercher dans ses moindres faits et gestes la communication. Pouvoir être interpellée, comme toute autre maman, d’une autre pièce, par la nouvelle « voix de mon fils »!
Une communication plus adaptée aussi au lieu de faire une scène sans qu’on puisse toujours deviner ce qui se passe …
La CAA, surtout le PECS, avec l’approche pyramidale, a transformé notre vie en réduisant drastiquement les comportements inadaptés de mon fils, à l’adolescence, en jetant les bases d’une communication, et d’une structure, de manière méthodique et progressive.
Le chemin à travers la CAA n’est pas toujours aisé, il manque de partenaires de communication et de personnes formées mais il permet de construire la pensée à travers un langage entre la personne et ses partenaires de communication, et d’entrevoir au bout les buts ultimes de la communication: développer la pensée et l’exprimer de manière de plus en plus complexe et autonome pour prendre sa place dans la société…
Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à la diffusion plus large de la CAA dans la société ?
Si le handicap mental et les difficultés sociales se rajoutent au manque d’occasions d’utilisation généralisée, l’écart avec la société se creuse encore plus, et c’est un cercle vicieux : la répercussion sur l’autonomie de la personne lui donne encore moins d’occasion de participation et le confinement est encore plus grand.
Quand je vois le temps que cela me prend pour m’investir à la mesure de mon fils dans la CAA, je ne peux pas en attendre autant des autres, qui ont tous une vie trépidante et bien chargée à notre époque !
La CAA est aussi vaste et unique que le handicap… c’est sans doute une difficulté rajoutée à sa diffusion… Je me souviens à ce propos d’une vidéo très émouvante qui a circulé sur internet : toute une série de gens avait fait la surprise à une personne adulte sourde de se mobiliser pendant quelques heures pour la croiser sur son chemin et s’adresser à elle en langue des signes. A la fin de la vidéo, la personne pleurait, car elle n’avait jamais pu vivre autant entourée de personnes qui avaient son même moyen de communication…
Cela fait réfléchir à l’immense solitude vécue quand on n’entend pas ou quand on n’a pas la parole…
On pourrait diffuser plus largement la CAA, via les écoles : enseigner la langue des signes à tous les enfants comme une autre langue à part entière, pendant au minimum un an, et ouvrir pendant cette année à toutes les sortes d’autres moyens de communication alternatifs: « cours de CAA pour tous ».
Pourquoi est-il crucial que la
société dans son ensemble adopte la CAA ?
Pour l’inclusion de tous !
Comment pourrait-on mieux
sensibiliser le grand public à l’importance de la CAA ?
Via l’école : c’est le meilleur vecteur. Les parents en profitent aussi grâce aux retours de leurs enfants. En plus, les enfants apprennent facilement.
C’est aussi un excellent moyen de parler du handicap aux enfants. Personne n’est à l’abri d’un accident ou de perte d’autonomie, à la vieillesse, par exemple, et donc si l’ensemble de la population apprenait la CAA à l’école ce serait déjà une bonne base.
C’est aussi l’occasion d’introduire une nouvelle manière d’être.
Quels sont, selon vous, lesavantages d’intégrer la CAA dans des événements de grande envergure comme lesJeux Olympiques et Paralympiques ?
C’est utile pour les gens qui l’utilisent et ça permettrait de rendre la CAA plus visible.
Quel message aimeriez-vous
transmettre à ceux qui ne connaissent pas encore la CAA ?
Je suis, pendant la majeure partie du temps, la seule partenaire de communication de mon fils ( CAA ): on est très loin des possibilités sociales et développementales du langage naturel et exponentiel pour tout un chacun.